DES GUERRES D’ITALIE, CHARLES VIII A RAPPORTÉ LE PLUS BEAU DES BUTINS : LA RENAISSANCE ET SON ART DES JARDINS. DE BLOIS À VILLANDRY, LE MINÉRAL DES ESCALIERS ET DES STATUES ANTIQUES SE MARIE AUX ARBRES MAJESTUEUX, AUX FLEURS CHATOYANTES ET AUX POTAGERS GOURMANDS.
En 1452, Léon Battista Alberti, artiste et savant italien, énonce le concept de base du jardin de la Renaissance : le jardin et la demeure doivent s’envisager comme un tout et s’harmoniser avec le paysage, les allées bordées de végétaux à feuillage persistant et d’une haie de buis. En 1503, le pape Jules II confie à Bramante, architecte et peintre, le soin de relier sa villa du Belvédère au palais du Vatican. Sur l’espace pentu qui sépare les deux monuments, l’architecte conçoit de larges terrasses reliées par un escalier monumental. Le long d’un axe perpendiculaire au palais, il dispose des statues antiques, des parterres et des fontaines qui deviendront une caractéristique du jardin Renaissance. Si l’on y ajoute l’influence d’un livre populaire, Le Songe de Poliphile de Francesco Colonna, dans lequel on croise des labyrinthes et une île-jardin, on entrevoit alors ce que sera le jardin Renaissance à la Française.
C’est à Château-Gaillard, à un jet de pierre du Clos Lucé de Léonard, que Dom Pacello de Mercoliano, bénédictin humaniste venu d’Italie avec le roi Charles VIII, forge en 1496 à Château-Gaillard les premiers jardins de la Renaissance française. Ordonnant le jardin symétriquement, il crée la perspective axiale et les fameux parterres à la française, intégrant le miroir d’eau. Mais Pacello n’est pas seulement paysagiste, il est aussi agronome et fait venir de loin les premiers orangers, qu’il plante dans des caisses pour les ranger l’hiver dans des espaces troglodytiques, invente les serres et serait également à l’origine de la reine-claude, cette prune née en l’honneur de la première épouse de François Ier. Depuis, kumquats, mains de bouddha et une trentaine d’autres agrumes ont rejoint les orangers à l’abri d’une grotte aux mille senteurs. À l’abri du vent sur un coteau, Château-Gaillard est plus qu’un domaine, c’est un éden que l’on visite au fil de ses sept sentiers du Paradis bordés de chênes centenaires, de cèdres, de tulipiers de Virginie ou d’arbres de Judée.
Outre Château-Gaillard, le grand Pacello créa les jardins de Blois, à la demande de Louis XII et de sa nouvelle épouse Anne de Bretagne (veuve de Charles VIII), grande amoureuse des plantes. Reliés au château par un pont de pierre surmonté d’une galerie, ils s’étageaient en trois terrasses, étaient divisés en carreaux réguliers aux motifs de broderie, et au croisement des allées principales s’élevait une fontaine de marbre (autour du pavillon Anne de Bretagne, toujours présent). Planté d’arbres fruitiers et d’espèces rares, le jardin était un lieu de plaisir et de sociabilité où le roi offrait des divertissements et où l’on pratiquait le jeu de Paume, tandis que “l’honnête homme” se devait d’entretenir le potager et le verger. En 1636, Gaston d’Orléans fonde à Blois un jardin botanique qui surpasse celui de Paris, avec sa ménagerie et sa volière. À la Révolution, ils deviennent “biens nationaux” et sont divisés.
Enfin, il ne faut pas manquer la visite de Villandry et ses jardins recréés dès le début de XXe siècle dans un style typiquement Renaissance. Le parc s’étage sur trois niveaux : un jardin d’eau bordé de citronniers, un jardin d’agrément dont le célèbre jardin de l’amour, aux fleurs symbolisant les quatre formes que peut prendre l’amour (tendre, passionné, tragique et adultère), et le plus grand potager ornemental du monde.