Arts, architecture, sciences… À la Renaissance française, tous ces domaines, influencés par le Quattrocento (première Renaissance italienne), font leur révolution. Mais qu’en est-il de l’alimentation ?
Épices, sucré-salé et gibiers
Au fil des pages du précieux ouvrage, un premier constat s’impose : l’utilisation des épices en provenance d’Inde et d’Afrique, comme les clous de girofle, la cannelle ou le poivre, se perpétue au fil des siècles, « non pas pour masquer les viandes faisandées, comme on peut le lire parfois, mais par goût », précise Loïc Bienassis, et comme marqueur social.
Les épices, compte tenu de leur prix élevé, représentent également pour les aristocrates un moyen de marquer leur rang, de se distinguer, même si de nouvelles voies maritimes les rendent alors plus abordables. Autre élément persistant : le mélange sucré-salé, sur lequel reposent bon nombre de recettes.
À table, les traditions culinaires sont tenaces. Chez les aristocrates, on continue à se délecter de viande rôtie, de gibier et de volaille, avec un goût prononcé pour les préparations en tourte, en croûte ou en pâté. Une nouveauté, importée d’Amérique, fait cependant irruption vers 1530 : la dinde. C’est du reste le seul produit comestible du Nouveau Monde à s’être imposé à la Renaissance, l’essor de la tomate et de la pomme de terre n’ayant véritablement eu lieu qu’au XVIIIe siècle.
Dans les couches populaires et paysannes, l’alimentation est moins carnée, on mange principalement du pain, des galettes et des bouillies de céréales, mais aussi des fruits et légumes, comme le chou, les poireaux et les carottes.
Dans les préparations culinaires de la Renaissance, il n’y a pas de rupture avec le Moyen Âge. Alors qu’il existe plusieurs manuscrits culinaires pour le Moyen Âge, c’est la seule source dont nous disposons.
Saveurs aigres-douces
Malgré cette continuité avec le Moyen Âge, des évolutions sont en cours. À commencer par l’utilisation massive du sucre, qui devient un produit de consommation courante après avoir été utilisé par l’aristocratie ou pour un usage thérapeutique.
« On ne s’en est jamais autant servi, y compris avec des ingrédients acides, comme le verjus, le vinaigre ou le vin, au point que les saveurs aigres-douces culminent à la Renaissance », observe Loïc Bienassis. Au même moment, les épices et les fruits vont être confits et la confiture fait son apparition. »
Dans les recettes, le beurre va monter en puissance, comme nous l’apprend le Livre Fort excellent de cuysine. On l’utilise pour la préparation des plats maigres (poissons, légumes et oeufs). Quant aux fruits et aux légumes, jusque-là délaissés par les élites parce que consommés par les paysans et donc indignes de leur rang, ils suscitent l’engouement.
L’artichaut devient à la mode, tout comme l’aubergine, l’asperge, le choufleur ou encore le concombre et le melon, que l’on fait pousser dans les jardins royaux.
« Mais tout ceci n’est pas dû à Catherine de Médicis, comme on le lit très souvent, conclut Loïc Bienassis. On lui prête d’avoir révolutionné la cuisine, d’avoir importé la pâte à chou, les liqueurs, les glaces, la fourchette, etc. Ce ne sont que des légendes apparues au XVIIIe siècle. ».
Ce qui n’a rien d’une légende, en revanche, et perdure jusqu’à nos jours, c’est le goût des Français pour la bonne chère.