Lecture du paysage ligérien
Panorama de Blois au soleil levant
©Benjamin Brolet

Lecture du paysage ligérien

Pour décrypter le paysage de Loire, recherchez les trois échelles de lecture.

1 Le fleuve, ses îles et ses rives

La première échelle de perception de l’identité paysagère du Val de Loire, c’est l’intimité du fleuve dans sa lumière, son mouvement, sa matière. La Loire a été aménagée pour la navigation et la prévention des crues. Les 600 km de levées, les cales et quais des ports témoignent d’une activité économique fluviale aujourd’hui disparue.

Le fleuve doit son aspect actuel aux nombreuses îles, la plupart inhabitées et refuges de la faune et la flore sauvages qui font du Val de Loire un espace européen essentiel en matière de biodiversité.

Au-delà du fleuve, de part et d’autre des levées, la vallée est composée de larges espaces de prairies inondables et de champs d’une grande richesse agricole.

Parole de connaisseur

De loin en loin, cependant, la réapparition de certaines formes amène à reconnaître, en ce désordre apparent, l’ébauche d’un système. Le jeu des forces qui s’exercent à l’intérieur du lit alluvial, en période de hautes eaux, obéit à certaines lois qui régissent, aussi, la phase décroissante des crues, le mécanisme de l’accumulation alluviale

Roger Dion, Histoire des levées de la Loire, 1961

….un fleuve qui divague à sa guise, élargit sa vallée, la modèle, change la nature du sol, la transparence de l’air, la réfraction de la lumière, la couleur des arbres et des couchants.

Maurice Genevoix 1890 - 1980 Images du Val de Loire

La lumière

Le fleuve est le miroir du ciel. Sa lumière est singulière du fait de la composition de l’atmosphère au point de contact de l’air océanique et de l’air continental engendre de fréquentes brumes aux effets surprenants de l’aube et du crépuscule et aux couleurs changeantes au cours des journées et des saisons.

Le mouvement

Le fleuve est indolent, violent, imprévisible, ses crues puissantes et menaçantes. Ses longs étiages découvrent son lit, démultiplient ses bras, dessinant sur les grèves des sillons, les traces des courants secondaires. La végétation colonise les grèves. Le fleuve est une véritable «peau de sable et d’eau » mue d’un mouvement perpétuel.

La matière

La Loire transporte, dépose, déplace des montagnes en répandant ces matériaux. Elle sculpte sa propre image, se renvoyant d’une rive à l’autre, affouillant, charriant ou déposant la matière alluviale. La présence du fleuve se retrouve dans les accumulations des graviers, des branchages, les bois sculptés par les courants, les berges érodées, …..

Les évolutions en cours pour rendre le paysage plus agréable et cohérent

 

Entretenir les espaces naturels de Loire

Ouvrir des vues sur la Loire en limitant les plantations de peupliers

Retrouver des usages agricoles pour les prairies inondables

Restaurer les anciens ports et les adapter à la navigation de loisirs

Mettre en valeur les accès au fleuve pour les piétons et les vélos

2 Les fronts bâtis de Loire

La deuxième échelle de perception de l’identité paysagère du Val de Loire, ce sont les fronts patrimoniaux bâtis qui ponctuent le linéaire du fleuve. Le Val de Loire est habité depuis la Préhistoire. Les lieux de traversée du fleuve (gués devenus ponts) et les points hauts d’observation protégés des crues sont les sites des villes et des villages.

Ils présentent tous un « front bâti » ouvert sur le fleuve et marqué par un pont, des levées utilisées en chemins de halage, des quais, un habitat groupé autour de l’église et du port.

La présence du coteau renforce cette composition. Le bâti en pied de coteau succède à un habitat plus ancien, parfois troglodyte, creusé dans le tuffeau. Ce « front bâti » est dominé par un château fort devenue résidence de prestige à la Renaissance.

Parole de connaisseur

Le Château d’Amboise dominant toute la ville qui semble jetée à ses pieds comme un tas de petits cailloux au bas du rocher, a une noble et imposante figure de château fort, avec ses grandes et grosses tours percées de longues fenêtres étroites, à plein cintre. (…) On monte au château par une pente douce qui mène dans un jardin élevé en terrasse, d’où la vue s’étend en plein sur la campagne alentour

Gustave Flaubert 1821 - 1880 Par les champs et par les grèves

La mise en scène

Le long du fleuve, du gué en gué, de pont en pont, ce sont développés des « fronts bâtis » qui mettent en scène le pouvoir politique, religieux et économique des villes et villages nés de l’activité fluviale marchande. Du front bâti d’Amboise à celui de Tours reconstruit après la seconde guerre mondiale, cette mise en scène se répète au fil du temps, au fil du fleuve.

La composition linéaire

Leur composition est stratifiée et horizontale : la ligne du fleuve, la ligne des quais et de la levée, la ligne de la ville marchande en pied de coteau, la ligne du coteau sur lequel surplombe l’édifice noble – civil ou /et religieux. Parfois le front bâti  est aussi troglodyte : le château et le village marinier prennent leurs racines dans la falaise calcaire et dessinent des fronts minéraux qui  » habitent » le paysage.

La multiplicité des plans

Ce front bâti s’ouvre sur une ville sont il marque l’entrée fluviale. Son importance est fonction de la qualité du franchissement de la Loire (gué transformé en pont) et de la présence marquée ou non du coteau (surplomb et belvédère) mais, partout, ce front bâti s’est étendu, élargi et épaissi pour composer nos villes et villages qui ponctuent le linéaire de la Loire.

Les évolutions en cours  pour rendre le paysage plus agréable et cohérent

 

Réhabiliter le bâti ancien dans le respect de sa qualité patrimoniale.

Adopter les couleurs et les matériaux locaux dans les nouvelles constructions.

Implanter les lotissements dans la continuité du bâti existant.

Aménager des résidences de tourisme en conservant la qualité des sites.

Enfouir les câbles aériens d’électricité et de téléphone.

Limiter la présence de la voiture dans les centres anciens.

Contrôler l’affichage publicitaire sur les principaux axes de circulation et à proximité des monuments.

Concevoir des espaces publics prenant en compte les qualités patrimoniales des lieux.

3 Le grand paysage

La troisième échelle de perception de l’identité paysagère du Val de Loire, ce sont la monumentalité de ces vues et perspectives, d’une rive à l’autre, de coteau à coteau. Horizontalité, ouverture et profondeur de champs structurent cette perception. Le paysage s’apprécie, aussi, d’un coteau à l’autre du Val, sur des distances dépassant souvent 10 km. Les vues panoramiques sont grandioses, que ce soit depuis le coteau ou la levée.

Cet effet s’explique par la largeur de la vallée, l’importance des plans horizontaux et la dominante des espaces non-bâtis, agricoles et naturels.

Ces caractéristiques donnent une ouverture et une profondeur de champs aux perspectives dont la forêt, à l’horizon, constitue souvent la limite visuelle.

Parole de connaisseur

Le long du coteau courbe et des nobles vallées, Les châteaux sont semés comme des reposoirs, et dans la majesté des matins et des soirs, La Loire et ses vassaux s’en vont par ces allées. Cent vingt châteaux lui font une suite courtoise, Plus nombreux, plus nerveux, plus fins que des palais.

Charles Péguy 1873 - 1914 Les tapisseries

L’horizontalité

Le grand paysage est organisé selon de vastes perspectives transversales et longitudinales. La ligne horizontale domine, soulignée par le trait continu de la levée. Les châteaux, nobles silhouettes belvédères jalonnent la ligne d’horizon et conduisent naturellement à la grande échelle du paysage.

L’ouverture

Ce sentiment de monumentalité est renforcé avec la possibilité de lire le relief, grâce aux larges espaces ouverts agricoles (vigne, maraîchage, arboriculture) avec, à l’horizon lointain, la silhouette sombre de la forêt pour arrêter le regard.

La profondeur des champs

L’étendue se mesure, s’évalue, s’apprécie. Le paysage est constitué d’une succession de strates horizontales qui construisent la profondeur de champs et met en valeur les éléments ponctuels et les verticales si petites soient-elles.

Multiplicité

La perception du Val est différente selon que l’on est sur le fleuve ou sa berge, sur son fond plat ou sa levée, sur son pont ou sur la crête du coteau. Cette variété est accentuée par la disposition des boisements qui, dans un jeu d’ouverture/ fermeture, masquent ou encadrent des scènes passant du panorama grandiose au l’intimité du fleuve.

Les évolutions en cours  pour rendre le paysage plus agréable et cohérent

Concevoir des ponts en harmonie avec la traversée de la Loire et de sa vallée.

Concevoir des parcs d’activités comme des «Portes d’entrées» du Val de Loire.

Implanter les mâts de grande hauteur à bonne distance des espaces patrimoniaux.

Soutenir les productions agricoles en renforçant le lien entre villes et campagnes.

Freiner la transformation des terres agricoles en terrains à bâtir.

Intégrer les bâtiments agricoles.

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